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SOCIETE FRANCO-ALGERIENNE DE PSYCHIATRIE Organise
PREMIER CONGRÈS FRANCO-ALGÉRIEN DE PSYCHIATRIE Théme ÉTATS POST-TRAUMATIQUES LIÉS À LA GUERRE D'ALGÉRIE ET PHÉNOMÈNES COMPLEXES DE LA MÉMOIRE POST-TRAUMATIQUE. 3-4
octobre 2003, Paris |
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Editorial |
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Cher (e) collègue, A l’occasion de Djazair, l'Année de l'Algérie en France, la Société Franco-Algérienne de Psychiatrie (SFAP) a le
plaisir de vous annoncer l’organisation de son premier congrès qui aura lieu
le 3 et 4 octobre 2003 à l’Auditorium de l’Hôpital Européen Georges Pompidou
à Paris. Cette rencontre présidée par les Professeurs Henri Loo,
Farid Kacha et Frédéric Rouillon, sera organisée avec les communautés
médicales algérienne et française autour du problème des états
post-traumatiques liés à la guerre d'Algérie et des phénomènes complexes
de la mémoire post-traumatique. Il s'agit de la première rencontre de psychiatrie qui
sera entièrement consacrée à ce chapitre de l'histoire des deux pays. Il
n'est pas aisé de parler de la guerre d'Algérie sans susciter quelques
passions. Plusieurs centaines de milliers de mort, des populations entières
déplacées, des destins personnels et collectifs irrémédiablement marqués,
doivent toutefois nous conduire à la nécessité d'un effort de réflexion et de
faire le point sur les conséquences traumatiques engendrés par de tels
drames. Il est d'ailleurs frappant de constater à ce sujet, la rareté des
travaux, tant au niveau algérien que français. Le programme scientifique sera organisé autour de deux
axes principaux, qui néanmoins se rejoignent: 1/ Le premier sera consacrée
aux grandes questions concernant les psychotraumatismes liés à la guerre
d'Algérie et leur devenir. Nous évoquerons ainsi les problèmes d'évolution à
long terme et ceux de la mémoire post-traumatique. La question est notamment
de savoir que sont devenus ces états, quarante ans plus tard. Des éléments
cliniques constatés ici et là chez des patients ayant vécu des situations
traumatiques, laissent penser que dans le cas de la guerre d'Algérie, l’oubli
n’est qu’apparent. L’expérience traumatique semble inhibée et longtemps
durant elle ne déclenche qu’une très faible réponse émotionnelle. Elle
apparaît ainsi neutralisée par un mécanisme de découplage entre souvenirs et
affects. Plus tard, après plusieurs dizaines d’années parfois, le passé peut
resurgir brutalement et déclencher un véritable " orage sensoriel
et émotionnel ". Souvenirs et émotions intenses se lient de
nouveau. Le passé redevient cruellement présent et se reconstitue avec une
précision étonnante où tous les phénomènes sensoriels liés à l'événement en
question sont présents. "Je revis tout, comme si c’était hier":
déclarent la plupart des personnes concernées. Les reviviscences traumatiques
s'accompagnent d'une "sensorialié" proche des phénomènes oniriques. 2/ Le
deuxième axe articulera, toujours autour du thème de la guerre d'Algérie et
de la mémoire, des interventions multidisciplinaires, avec la participation
de sociologues, philosophes, psychologues, anthropologues et psychiatres. Les
liens qu'entretiennent mémoire traumatique individuelle, collective et
mémoire historique seront abordés. Une lecture historique et sociologique de
ces phénomènes nous semble fondamentale pour leur analyse et compréhension. Dr Mohammed Taleb Les propositions de communications doivent parvenir au
Dr Ph. Gorwood, ( voir instructions aux
auteurs ) par courrier postal ou par émail) en
indiquant, le nom et le statut de l'intervenant, un titre et un résumé.
Dernier délai d'envoi des propositions de communication: 31 mars 2003. |
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Introduction |
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Pour sa femme, Roger semblait maintenant "aller mieux". Retraité
depuis quelques mois, il était venu consulter, sur l'insistance de son
épouse, pour des symptômes dépressifs sévères survenus progressivement depuis sa cessation d'activité. Grâce au traitement, cet ouvrier spécialisé affirmait
" s'être vite ressaisi", "ne plus se sentir inutile et pesant
pour sa famille", avoir
moins peur de "ne pas y arriver avec sa petite retraite". Dans la
mesure où il avait repris son activité de bricolage, ne passait plus son
temps à se plaindre de troubles somatiques aussi divers que variés et avait
recouvré un certain appétit, son épouse attentionnée se sentait tout à fait
rassurée. Pourtant, il ne fût pas très difficile
de faire raconter à cet homme
les nombreux troubles
persistants qui continuaient à
lui gâcher la vie: "c'est surtout
le sommeil, docteur" s'empressant d'ajouter: "De toute
façon, je n'ai jamais bien dormi; c'est depuis l'Algérie", puis, après
un silence un peu embarrassé tout en tripotant sa casquette d'un air penaud
comme pour s'excuser d'évoquer ce mauvais souvenir, il bredouilla:
"toutes les nuits depuis quarante ans, je cauchemarde en revoyant les
corps mutilés; j'étais brancardier, alors forcément …" Peu à peu, se
défaisant de son apparente placidité, il énuméra tous les symptômes de cet
état de stress post-traumatique
qui avait hanté sa vie depuis si longtemps et dont il n'avait jamais
parlé à personne. Ces années passées à
se poser une question sans réponse "qu'allait-on faire là-bas?" La psychiatrie française, comme l'algérienne,
n'est jusqu'à ce jour pas
beaucoup plus loquace, sur ce sujet douloureux, que cet ancien appelé du
contingent. Alors que la réflexion clinique sur le psychotraumatisme occupe
depuis toujours le champ de la
psychopathologie, les conséquences médico-psychologiques de la
guerre d'Algérie semblent ne pas
pouvoir s'exprimer. Pourtant,
les victimes civiles de catastrophes, les militaires exposés à des faits de
guerre, les réfugiés, les transplantés… sont l'objet d'une bienveillante attention de la
part des professionnels de la santé mentale et des milliers de publications scientifiques leur sont consacrées. On ne compte plus les articles sur les vétérans des guerres de Corée, du Vietnam (l'américaine),
du Golfe… Le travail de mémoire souffrirait-il d'amnésie sélective? Les
soldats français, les combattants du FLN, les harkis, les rapatriés, les
femmes veuves, les victimes de
sévices sexuels, les orphelins n'auraient-ils pas droit à la même compassion
que tous les "blessés de la vie" par inondation, accident
ferroviaire, famine, attentats, guerre civile? Ce
premier congrès franco-algérien devra
donc tenter d'expliquer ce refoulement collectif et d'analyser sereinement
les déterminants des conséquences psychotraumatiques de ces évènements qui mirent tant de temps à se
reconnaître pour ce qu'ils furent. Cette anomie persistante, les passions
toujours vives sur ce sujet,
l'évitement, le déni, la peur, les rites, la culpabilité, le retour du
refoulé…, tous ces maux qui qualifient notre conscience collective à propos
de l'histoire commune franco-algérienne ne peuvent que retenir l'attention
des psychiatres. Au-delà donc du thème du psychotraumatisme lié à la
guerre d'Algérie, ce congrès
s'ouvrira à des interventions multidisciplinaires, historiques, sociologiques
et anthropologiques. Pr. Frédéric Rouillon Président
du Congrès |
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Comité du Congrès |
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Présidents d'honneur : Professeurs
Farid Kacha (Alger), Henri Lôo (Paris) Président du Congrès : Professeur Frédéric Rouillon Responsable du congrès: Dr Mohammed Taleb (Pontoise) Secrétariat scientifique: Dr Philip Gorwood (Colombes) Comité d'organisation : Dr Edmond Guillibert (HEGP), Dr Rachid
Houssine, Dr Rafik Masmoudi (HEGP) , Dr Stéphane Mouchabac Comité scientifique : Président : F. Rouillon : Professeur de
psychiatrie (AP-HP) Secrétaire: Ph. Gorwood : PHU (AP-HP) Membres: J-M. Azorin : Professeur de psychiatrie,
Chef de service, hôpital Sainte Marguerite, Marseille A. Bakiri : Professeur de psychiatrie, Chef
de service, hôpital Frantz Fanon, Blida M. Boudef : Professeur de psychiatrie, Chef
de service, hôpital Razi, Annaba S. Consoli : Professeur de psychiatrie, Chef
de service, HEPG, Paris Ph. Courtet : Praticien Hospitalier
Universitaire, Montpellier G. Ferrey : Chef de service, hôpital
d'Eaubonne E. Guillibert : Praticien Hospitalier,
hôpital européen Georges Pompidou, Paris P. Louville : Consultation de
Psychotraumatisme-Maltraitance, hôpital Corentin Celton, Issy les Moulineaux C. Navarre : Praticien Hospitalier, Rouen A. Pelissolo : Praticien Hospitalier,
hôpital Pitié-Salpétrière, Paris F. Petitjean : Chef de service, hôpital Sainte
Anne, Paris B. Ridouh : Professeur de psychiatrie, Chef
de service, hôpital Frantz Fanon, Blida M. Taleb : Praticien Hospitalier, hôpital
René Dubos, Pontoise M. Tedjiza : Professeur de Psychiatrie, Chef
de service, hôpital Drid Hocine, Alger |
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Programme du Congrès |
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VENDREDI 3 octobre 2003 08h00-09h00 Accueil 09h00-09h05 Allocution de bienvenue : Mr Louis
Omnes, Directeur Général de l'HEGP 09h05-09h15 Introduction du Président du
congrès : Professeur Frédéric Rouillon 09h15-9h30 Allocution de Monsieur Mohammed
Bedjaoui (Président du Conseil Constitutionnel, ancien Président
de la Cour Internationale de Justice) 09h30-10h00 Communication: Monsieur Benjamin
Stora, Professeur d'histoire du Maghreb à l'INALCO Titre: "France - Algérie : de la mémoire
à l'histoire" 10h00-10h30 Communication: Professeur Louis
Crocq, psychiatre Titre : "Fausse mémoire et syndrome de
répétition" 10h30-10h45 Discussion coordonnée par Pr F.
Rouillon 10h45-11h00 Pause 11h00-11h30 Communication: Mme Maïssa Bey,
Ecrivain Titre: "Les cicatrices de
l’histoire" 11h30-12h00 Communication: Mme Marie-Odile
Godard, Maître de Conférence, Université de Picardie Titre : "Mémoire d’Algérie, rêves et
fond d’horreur" 12h00-12h30 Discussion, coordonnée par Pr H.
Lôo 12h30-13h30 Déjeuner 13h30-15h00 Symposia Premier symposium organisé par Alice Cherki: "Les enjeux psychiques des
silences de l'histoire", avec Alice Cherki, Olivier
Douville (Psychanalyste, Maître de conférence, Directeur de publication
de la revue Psychologie Clinique) Deuxième symposium organisé par Dr Louis Jehel , Coordonnateur, ( Unité de
Psychiatrie et Psychotraumatisme) et Dr Christian
Navarre, Modérateur (Psychiatre, Centre Hospitalier du Rouvray à Rouen ): "Psychotraumatisme et actes de
terrorisme". 1/ Facteurs prédictifs de stress post-traumatique auprès de victimes de terrorisme (L. Jehel), 2/ La
dissociation péritraumatique comme ultime recours face au terrorisme (Clara Duchet, psychologue), 3/
Approche cognitivo-comportementale d'un cas de psychotraumatisme chez une victime d'acte
terroriste (Nathalie Camart, psychologue). Troisième symposium organisé par Dr Patrice Louville (Consultation de
Psychotraumatisme-Maltraitance, Hôpital Corentin Celton) et Dr Stéphane
Mouchabac (hôpital Saint Antoine) "Psychotraumatisme, mémoire et cognitions" 15h00-15h15 Pause 15h15-15h45 Communication: Professeur Mohamed
Boudef (Chef de service, Annaba) Titre : « Modélisation de l'état de stress
post-traumatique » 15h45-16h15 Communication: Professeur Patrice
Boyer, CNRS UMR 7593 (Hôpital Salpetrière) Titre : « Traumatisme psychique et troubles
de la mémoire: une approche neurobiologique » 16h15-16h30 Discussion, coordonnée par Pr
J.M. Azorin (Marseille) 16h30-16h45 Pause 16h45-17h15 Communication: Professeur Nadir
Marouf, Docteur en Lettres, Docteur en Droit, Professeur en Anthropologie, Directeur du CEFRESS Titre : « Mémoire des traumatisme,
traumatisme des mémoires: à propos de violences durant la guerre d'indépendance, choses vues,
choses entendues, choses subies. » 17h15-17h05 Communication: Dr Mohamed
Chakali, Psychiatre (Alger) Titre : « Frantz Fanon et le
psychotraumatisme » 17h05-17h15 Discussion coordonnée par le Pr
M. Tedjiza (Alger) Fin de la première journée SAMEDI 4 octobre 2003 08h30-09h30 Accueil 09h30-10h00 Communication: Dr Serge
Bornstein, Neuro-Psychiatre, Expert agréé près le Bureau de la Cour de Cassation, Chargé de cour à la Faculté de
Médecine Paris-Sud Titre : "Approche expertale du
psychotraumatisme de guerre. » 10h00-10h30 Communication: Docteur Tahar
Absi, Professeur de psychologie et des Sciences de l’Education. Université d’Alger. Président du colloque
sur la présence des religions monothéistes en Algérie (UNESCO, janvier 2003) Titre: "Impact de la mémoire
traumatique individuelle et collective sur l’écriture de l’histoire." 10h30-10h45 Discussion, coordonnée par Pr S.
Consoli (Paris) 10h45-11h00 Pause 11h00-11h30 Communication: Zahia Rahmani,
enseignante à l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts Titre: " L'écriture du
déterrement" 11h30-12h00 Communication: Eric Savarèse,
Docteur en Science Politique, Maître de Conférence à l'université de Perpignan Titre : "Entre guerre des mémoires et
mémoire des guerres. A propos des militants associatifs Pieds-Noirs" 12h00-12h15 Discussion, coordonnée par Omar
Calier, Professeur d'histoire à l'Université Paris I 12h15-13h30 Déjeuner 13h30-15h00 Symposia Quatième symposium organisé par le Pr Mohammed. Boudef, "Violence, toxicomanie
et comportement suicidaire" avec les Dr Labidi, Zeghib
(Annaba), Ph. Carette (Paris) et B. Riff (Lille) Cinquième symposium organisé par le Pr Farid Kacha "Les
psycho-traumatismes". 1/ Quand les émotions manquent d'air "e" (Dr D.
Benmessaoud, Alger), 2/ Famille, guerre et génération (Dr A. Aït Ameur,
Alger), 3/Rescapé de l'enfer (Dr K. Ammar, Alger),
4/ Organiser la prise en charge (Dr M. Chakali, Blida), 5/ Stress en milieu sub saharien (Dr F. Bouchène,
Laghouat) Sixième symposium organisé par le Pr Marie-Rose Moro " La psychiatrie coloniale
en Algérie », coordonnateur : Dr T. Ferradji. 1/ De la
psychiatrie coloniale à la psychiatrie transculturelle (Pr M. R. Moro), 2/ L’homme maghrébin dans les écrits
psychiatriques (Dr Berthelier), 3/ La représentation de la femme algérienne dans la psychiatrie coloniale (Dr
K. Marrois), 4/ L’Ecole d’Alger ou la transmission forclose (Dr T. Ferradji), 5/ La psychiatrie coloniale (Dr
H. Herbane, Djelfa) 15h00-15h15 Pause 15h15-15h45 Communication: Claire
Mauss-Copeaux, agrégée d'Histoire, Chercheur au CNRS et au GREMMO Titre : « Souffrance, mémoires et histoire
d'Algérie » 15h45-16h05 Communication: Professeur Abderahmane
Belaïd, Dr Nacéra Moussi, Dr Ferrou Daïdj, Pr Farid Kacha, hôpital M. Boucebci, (Alger) Titre: "Mémoire et souffrance" 16h05-16h20 Discussion, coordonnée par Pr F.
Kacha (Alger) 16h20-16h35 Pause 16h35-16h55 Communication: Sylvaine
Artero, Isabelle Beluche, Jean-Phillipe Boulenger, Karen Ritchie INSERM : E 0361 (Montpellier) Titre : Prévalence des troubles
psychiatriques dans une population âgée exposées aux psycho-traumatismes de la guerre d’Algérie :
l’étude ESPRIT’ 16h55-17h25 Communication : Pr Slimane
Medhar, Professeur à l’Université d’Alger Titre : « Le traumatisme culturel de la
colonisation » 17h25-17h45 Communication : Docteur Hakima
Souki, Maître-assistante en psychiatrie (Alger) Titre : « Les aspects culturels dans
l’expression du psychotraumatisme » 17h45-18h00 Discussion générale et
conclusions du congrès coordonnée par le Pr F. Rouillon Fin du congrès |
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Auteurs et Interventions |
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Benjamin Stora (Professeur d'histoire du Maghreb à l'INALCO) France-Algérie : De la mémoire à
l'histoire. Le difficile consensus des mémoires autour de la guerre d'indépendance algérienne, Beaucoup de choses ont été dites et écrites
en Algérie et en France, entre 1999 et 2002, sur la question des enjeux de mémoire autour de la guerre
d'Algérie. Parmi cette véritable explosion mémorielle, marqué par une série
de publications d'articles de presse et de
livres de témoignages, il y eut le vote à l'Assemblée Nationale française,
d'une proposition de loi visant à la
reconnaissance du terme de " guerre " pour qualifier les évènements
advenus en Algérie entre 1954 et 1962. De nombreuses polémiques
lui ont fait suite, dont le point culminant fut sans doute la parution du livre du général Aussaresses, qui a déclaré avoir assassiné des leaders
du nationalisme algérien. En Algérie, une violente polémique a éclaté à l'été 2002 à
propos des conditions de l'assassinat en 1957 d'Abane Ramdane, un important dirigeant du FLN tué par ses compagnons
d'armes. Dans la seule année 2001, de nouveaux lieux de mémoire en France attachés à la guerre d'Algérie sont apparus
: la plaque apposée sur le pont Saint-Michel à la mémoire des victimes algériennes de la manifestation du 17
octobre 1961, une stèle a été inauguré en plein centre de Paris par Jacques
Chirac, le président de la République, à la mémoire
des 25 000 soldats français morts en Algérie. En Algérie, le président Abdelaziz Bouteflika a décidé de donner des
noms de dirigeant, longtemps mis au secret de l'histoire officielle, à des aéroports algériens (Messali Hadj, Mohamed
Khider, Mohamed Boudiaf). Il n'est plus possible d'aborder aujourd'hui la question des enjeux de mémoire en termes
d'occultation comme je l'avais fait en 1991 dans mon ouvrage La gangrène et l'oubli . Quelles sont les nouvelles
problématiques concernant le rapport de la mémoire à l'histoire ? Quelles
sont les nouvelles formes de mise en mémoire, et
d'écriture de l'histoire autour de la guerre d'indépendance en Algérie, en France ? Et pourquoi est-il si difficile de
construire un consensus mémoriel autour de cette séquence brûlante entre les deux pays, la France et l'Algérie? Claire Mauss-Copeaux, agrégée d'histoire, est chercheur au CNRS à Lyon et au GREMMO (Groupe
de Recherches et d'Etudes sur la Méditerranée
et le Moyen-Orient). Souffrance, mémoires et histoire
d'Algérie. Les
récits les plus anciens de l'histoire de l'humanité font de la guerre
l'événement par excellence et décrivent longuement
la souffrance de quelques héros exemplaires choisis parmi les combattants. En
Occident, en France aussi, l'histoire-bataille,
les "grands" événements, bénéficient de la faveur des historiens
mais leur approche n'est pas un sujet à
part entière. Dans
un premier temps je m'attacherai à préciser les obstacles culturels, sociaux
et politiques qui se sont opposés et s'opposent
encore à l'évocation et à la prise en compte de la souffrance des
combattants. J'évaluerai ensuite les informations
que les vétérans donnent sur la violence de la guerre, sur les sentiments
qu'ils ont éprouvés ou éprouvent encore
aujourd'hui. L'analyse des différentes situations d'énonciation, du discours
lui-même avec ses oublis et ses occultations
me permettra de compléter et d'affiner, pour reprendre l'expression de G.
Dumézil, ces "Heurs et malheurs du
guerrier". Pour
conclure, je m'interrogerai sur les implications de ce travail de deuil
partagé où interviennent à la fois la mémoire et
l'histoire ainsi que sur les enjeux de la reconnaissance (instrumentalisation
de la souffrance et victimisation des combattants) Sylvaine Artero, Isabelle Beluche, Jean-Phillipe Boulenger, Karen Ritchie (INSERM,
Montpellier) Prévalence des troubles psychiatriques
dans une population âgée exposée aux psycho-traumatismes de la guerre d’Algérie : l'Etude ESPRIT L’étude ESPRIT (Etude épidémiologique de
l’Etat de santé mentale des personnes âgées en France ) est la plus grande étude des troubles mentaux réalisées dans
une population française qui permet d’établir une base de donnée unique en épidémiologie psychiatrique. Cette étude
réalisée depuis 1999 à partir de 1863 personnes âgées de 65 ans et plus représentatives du district de Montpellier
est composée d’environ un tiers de personnes rapatriées d’Algérie ou ayant directement participé à cette guerre. Cette
étude représente donc une opportunité unique d’évaluer les troubles mentaux dans une population exposée aux
psycho-traumatismes de la guerre d’Algérie et de comparer ces prévalences à
une population âgée témoin. Méthode : La passation d‘un questionnaire
psychiatrique : le MINI (Mini International Neuropsychiatric Interview (version francaise 5.00)) a été effectué sur
notre population. Il s’agit d’un entretien diagnostic structuré construit sur
un système algorithmique qui explore les
principaux troubles psychiatriques de l’axe I du DSM-IV et permet d’évaluer
la présence de troubles psychiatriques actuels
et sur la vie entière. En parallèle d‘autres données concernant les événement de vie ainsi que des données cliniques ont
été collectés. Tous les participants ont également passé un examen neurologique. Marie-Odile Godard, Maître de Conférences à l’Université de Picardie - Jules Verne Mémoire d’Algérie, Rêves et Fond
d’horreur. Appelées pour leur service militaire, de
jeunes recrues étrangères à l’armée furent envoyées dans une contrée méconnue: l’Algérie. Ils avaient tous été
reconnus aptes à supporter la guerre lors d’une visite d’incorporation. Cependant, tous ceux que j’ai rencontrés en
sont restés marqués, traumatisés. Depuis leur retour, ils ont toujours souffert, mais ils ne savent pas qu’ils
souffraient de là bas. Le jour, ils arrivent à oublier, mais la nuit, dans
les rêves traumatiques, tout revient. Comparée au
moment du traumatisme, la situation du rêve a ceci de différent que le traumatisé, lors de cet événement, n’est pas
seul. Mais lors des cauchemars et des rêves traumatiques, après la reproduction de l’image, de l’action, il est
seul et se sent seul responsable. Introduire un tiers dans cette
configuration peut l’empêcher de tomber dans la folie.
Nous étudierons comment, nuit après nuit, s’est constitué pour chacun d’eux un fond d’horreur partagé auquel il
font continuellement référence. Ce fond d’horreur constitué de mots,
d’images, de cris, d’odeurs, leur sert à exprimer tout ce
qu’ils ont à dire, tout ce qu’ils ressentent. Leur vie psychique se
réorganise autour de lui. Maïssa Bey,
écrivain Les cicatrices de l'histoire Mon intervention portera sur la difficulté
de mettre en mots une scène que l'on n'a pas vécue mais qui est fondamentale dans la mémoire et
l'imaginaire. Ci-joint un passage de ce texte : "J'ai longtemps, très longtemps hésité
avant d'écrire, non pas sur la guerre, mais sur ce qui m'apparaît à moi comme
un questionnement fondamental : le
bouleversement profond, total, irrémédiable et irrémissible que représente
une guerre dans la vie de ceux qui la font, qui la
subissent (directement ou indirectement) et qui en portent à jamais les
séquelles, séquelles qui ne s'effacent pas avec un
cessez-le-feu ou des traités ou des accords de paix. J'ai longtemps hésité
parce que je ne voulais pas, qu'à l'instar de
beaucoup d'écrivains de mon pays ou d'ailleurs, mon travail d'écriture soit
centré sur la déploration et/ou la célébration d'un
passé forcément glorieux élevé au rang de mythe qui détermine tout le devenir des générations suivantes. Et c'est
peut-être plus cela qui m'a poussée à revenir sur une part de mon histoire que le désir de ne plus différer le moment
de la confrontation. Il y a aussi bien entendu un cheminement individuel, une quête qui ne peut aboutir que si l'on prend
le temps de rassembler tous les fragments qui constituent notre propre histoire. Besoin de commémoration – au sens de
"se souvenir ensemble", d'associer le lecteur au souvenir – besoin d'élucidation, d'évocation d'une histoire
qui ne serait pas falsifiée ou déformée par la mémoire, par la mémoire des autres, par la mienne aussi. Parce que
lorsqu'on veut convoquer les souvenirs, surtout lorsqu'il s'agit de souvenirs d'enfance, on s'aperçoit souvent qu'on a
tendance à confondre ce que d'autres nous ont raconté avec ce que nous avons vraiment vécu. La prégnance des images
surajoutées fait souvent obstacle à la restitution. Et c'est alors qu'intervient l'imaginaire. Approcher le plus possible, par la
re-création, d'instants que l'on n'a pas vécus. Mais qui ont forgé tout notre
être, toute notre conscience du monde. Des images
fantasmées d'une scène "engrammée" que je n'hésite pas à qualifier
de scène primitive. C'est cela que j'ai tenté de
faire dans mon dernier livre: "Entendez vous dans les montagnes".
Une sorte de reconstitution au sens policier du terme.
" Auteur de : "Entendez-vous dans les
montagnes..." Editions de l'Aube, éditions Barzakh, 2002 Zahia Rahmani,
enseignante à l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts. "L'écriture du déterrement" Faut-il rendre justice à Moze ? Que peut-on
lui rendre ? Que lui a-t-on pris ? Sa vie, sa liberté, ses biens, son honneur
? Peut-on les lui rendre ? Que lui a-t-on fait
? On l'a désarmé, abandonné ? On lui a menti ? On l'a utilisé, exploité, méprisé ? On ne peut rien lui rendre. Et que
peut-on me rendre ? Il va falloir trouver. Me donner ce qu'on ne peut me rendre ! Moze était mon père, un père que je
n'ai pas eu. Un père qui ne l'était pas. Maintenant qu'il est mort, serait-il devenu un martyr ? Moze avait honte de ce
pays où il vivait. Il avait honte pour ce pays. Encore plus que pour lui. Z.
R. En Algérie, Moze a échappé au massacre des
harkis. En 1962, il est arrêté et emprisonné. En 1967, il s'évade et arrive en France avec sa famille. Le matin du 11
novembre 1991, après avoir salué le monument aux morts, Moze se suicide en se noyant dans l'étang communal. Plus de
dix ans après sa mort, sa fille tente de rendre compte de ce geste, celui
d'un homme qui n'a été ni soldat, ni exilé, ni
apatride, ni paria, mais banni. Un homme sans peuple et sans pays. Sans légitimité aucune. Si la littérature ne fera pas le compte de
la guerre d'Algérie, ce livre dit pourtant la fabrique de cet homme-là : le colonialisme et ses excès, l'ignorance et le
mépris, l'absurdité tragique d'une situation et en toute fin la bêtise des hommes. Par-delà le témoignage, par-delà
l'évocation d'une famille marquée par une existence solitaire, l'écriture de Zahia Rahmani, magistralement tendue,
concise et pudique, convoque une déchirure, un doute, une plainte, d'une
vérité bouleversante. Moze nous parle de tous les
laissés-pour-compte de l'histoire et de la douloureuse difficulté d'en
assumer la filiation. De l'impossibilité d'échapper
à ses pères. Auteur de "Moze", Sabine
Wespieser Editeur. Mars 2003 Eric Savarese , Maître de Conférence en Science Politique à l'Université de Perpignan.
Ses travaux portent sur les questions relatives à la légitimation de
la colonisation, à la nationalité, à l'immigration. L'invention des Pieds -
Noirs (Paris, Séguier, 2002) est son dernier
ouvrage Entre guerres de mémoires et mémoires
de guerre. A propos des militants associatifs Pieds – Noirs. Le terme de Pieds - Noirs ne désigne les
anciens Français d'Algérie qu'à partir de 1954, soit au moment du déclenchement de la guerre d'indépendance,
lorsque les anciens "Français Musulmans" se proclament
"Algériens". C'est donc essentiellement dans l'ancienne
métropole que le terme de Pieds - Noirs a pu être utilisé pour désigner près
d'un million d'individus ayant quitté l'Algérie
au moment de son indépendance. Au moment où ils quittent l'Algérie, les Pieds - Noirs ne constituent pas, à proprement
parler, un groupe homogène, et l'examen de l'énorme littérature publiée dans l'exil montre à quel point les
clivages, notamment en matière de perception de l'histoire coloniale et de la
guerre d'Algérie, sont nombreux. D'où l'enjeu, pour
les militants associatifs, de valoriser une mémoire dont la promotion participe à l'élaboration d'une véritable
stratégie identitaire : c'est pour construire un groupe influent que les
militants contribuent à le produire en participant aux
guerres de mémoires algériennes qui les opposent, parmi d'autres, aux "anciens combattants", aux
"porteurs de valises", aux "immigrés", etc... Cet
investissement dans des guerres de mémoires doit également être associé à
l'analyse de mémoires de guerre qui parfois agissent, aujourd'hui encore, sur
les perceptions du phénomène de l'immigration.
En revivant le souvenir d'un conflit ou l'ennemi n'est pas clairement distingué des Français Musulmans qui
partagent le quotidien des Français d'Algérie, des Pieds - Noirs semblent
projeter sur la situation actuelle des peurs nées
pendant la guerre d'Algérie. L' impossible différenciation entre l'image du "fellaga" et celle, fortement
ambivalente, de "l'Arabe", nourrit aujourd'hui encore la
construction d'un discours sur l'Autre qui renvoie aux traumatismes liées à
la guerre d'Algérie. Nadir Marouf :
Docteur en Lettres, Docteur en Droit. Professeur en anthropologie à
l'Université de Picardie. Directeur du Centre d'Etudes, de Formation
et de Recherche en Sciences Sociales (CEFRESS) Nadir Marouf a rejoint le maquis durant la
guerre d'Algérie alors qu'il n'était qu'un jeune adolescent. Il a ainsi connu
la prison et la torture. Il retracera le vécu
de l'adolescent plongé brutalement dans les horreurs de la guerre et
témoignera de toute l'acuité de la mémoire traumatique
et des souvenirs régulièrement revisités dans l'intimité de la solitude. Mémoire des traumatismes, traumatisme
des mémoires : à propos de violences durant la guerre d'indépendance, choses vues, choses entendues, choses
subies. Le souvenir de la guerre s'opère par
sensualisme épisodique, latent ou discontinu, rémanent ou provoqué par une rencontre inopinée avec un ami de jadis
ou un film sur l'Algérie. Les tentatives, tout à fait récentes d'exorciser
par l'écriture ce souvenir de l'adolescence,
calent devant une ambivalence implacable entre une posture de
"divan" (jamais réalisée) et une posture de distanciation
critique (avortée à peine commencée). Docteur Tahar Absi, Professeur de psychologie et des Sciences de l’Education (université
d'Alger). Président du colloque sur la présence des religions
monothéistes en Algérie à travers les âges. (Janvier 2003, UNESCO, Paris) "Impact de la mémoire traumatique
individuelle et collective sur l’écriture de l’histoire." L’écriture de l’histoire d’un pays à une
période donnée est conditionnée à la fois par les documents de l’époque et
les témoignages recueillis. Si la guerre d’Algérie est vécue des deux
côté de la mer Méditerranée par les communautés algériennes et françaises comme un drame, la violence qui s’y rattache
est souvent décrite par les deux parties comme la conséquence légitime d’une autre violence. Elle devient ainsi un
moyen de masquer la réalité et quelquefois de la déformer. Il est important de souligner que la guerre qui engendre la violence ou
la violence qui engendre la guerre, bouleversent les rapports sociaux, réduisent le
raisonnement des personnes, inhibent les valeurs morales universelles et
rendent l’individu incapable de discerner le vrai du
faux. Certains témoignages qui mettent l’accent
sur des événements grossis à la puissance (n), dans le cadre de confessions médiatiques euphoriques, dénotent une
activité mentale déréglée et le désir inconscient de paraître sous l’habit de
héros. Ceci donne à leurs témoignages une portée
très relative au point d’être considérés comme fantaisistes. Les mass- médias algériens des années de l’indépendance de
l’Algérie se sont servis de cet état post traumatique de notre société pour renforcer les options du pouvoir politique et
influer ainsi indirectement sur l’écriture de l’histoire. Serge Bornstein : Neuro-Psychiatre, Expert inscrit sur la Liste Nationale, agréé près le
Bureau de la Cour de Cassation, Responsable du Diplôme de
Psychiatrie Légale à la Faculté de Médecine de Paris-Sud. " Approche expertale du
psychotraumatisme de guerre " A la suite des travaux de C. Barrois, S.
Bornstein , B. Sigg, la névrose traumatique a fait son entrée dans la grand barème des pensions militaires et des
victimes de la guerre d'Algérie. Cette notion avait été réactualisée par
l'étude des pathologies des véterans US du Vietnam alors qu'elle ne figurait
dans aucun manuel et bien qu'entrevue par Freud
au début du XX ème siècle. Depuis lors et sous l'impulsion du DSM IV
(PTSD), la symptomatologie est bien codifiée, pouvant donner matière à réparation et surtout à une prise en charge
efficace. |
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Partenaires |
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Commissariat
Général de l'Année de l'Algérie en France Fédération
Française de Psychiatrie Société Algérienne
de Psychiatrie l'Association
Algérienne des Psychiatres d'Exercice Privé (AAPEP) L'Amicale des
Médecins d'Origine Maghrébine de France (AMOMF) L'Association
Franco-maghrébine de psychiatrie, Psychologie et Sciences Humaines d'Ile de
France L' Association
Formation et Recherche en Psychiatrie de Pontoise |
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Secrétariat scientifique |
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Dr Philip
Gorwood Service de
psychiatrie (Pr J. Ades), CHU Louis Mourier 178, rue des Renouillers
92701 Colombes Cedex philip.gorwood@lmr.ap-hop-paris.fr |
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Responsable du congrès |
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Dr
Mohammed TALEB Accueil
Psychiatrique, Hôpital René Dubos 6,
Avenue de l’Ile de France 95300 PONTOISE
sfap@ch-pontoise.fr |
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Comité d'organisation |
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Coordinateur: Dr
Rafik MASMOUDI (HEGP) rafik.masmoudi@egp.ap-hop-paris.fr Dr Edmond GUILLIBERT
(HEGP) edmond.guillibert@egp.ap-hop-paris.fr
Dr Rachid HOUSSINE
r.houssine@wanadoo.fr Dr Stéphane
MOUCHABAC stephane.mouchabac@sat.ap-hop-paris.fr |
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Membres D'Honneur |
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Pr J-M. AZORIN :
Marseille - Pr A. BAKIRI : Blida - Pr A. BELAID: Alger - Dr M. BENSALEM :
Andilly - Pr M. BOUDEF : Annaba -Pr J-Ph. BOULENGER : Montpellier - Pr M.
FERRERI : Paris - Dr G. FERREY : Eaubonne - Pr S. GIUDICELLI : Marseille - Pr
J-D. GUELFI : Paris - Pr Ph. JEAMMET : Paris - Pr F. KACHA : Alger - Pr V.
KOVESS : Paris - Pr M. LEJOYEUX : Colombes - Pr H. LOO : Paris - Pr J-P. OLIE
: Paris - Pr M. OSMANI : Alger - Dr F. PETITJEAN : Paris - Pr B. RIDOUH :
Blida - Pr F. ROUILLON : Créteil - Pr M. TEDJIZA :
Alger - Pr E. ZARIFIAN : Caen |
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Adresses |
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Société Franco-Algérienne de
Psychiatrie SFAP -
Accueil psychiatrique - Hôpital René Dubos - 6, avenue de l'Ile de France -
95300 Pontoise Tel: 33 (0)1 30 75 43 25 - Fax: 33 (0)1 30
75 44 73 Email: sfap@ch-pontoise.fr Web: http//www.sfap.asso.fr |
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